○ L'histoire;

« Voici née, lors du 29e jour de novembre 1912, à l'hôpital de Salvador, l'enfant De Salva : Lilith. Fille de Adriàn Gabriel de Salva et de Elena Cristina dePuerto, épouse de Salva. »

L'acte de naissance tenait sur un quart de feuille de journal. Il avait été écrit à la main, par une infirmière sympathique qui s'était occupée de Mme de Salva après son accouchement. Cependant, elles n'eurent pas réellement le temps de faire connaissance, la famille de Salva n'était guère riche et l'hôpital coûtait cher. L'argent était un réel problème pour la famille, mais ce problème fut héroïquement surmonté par des parents à la volonté de fer et aux cœurs grands. Ils élevèrent le bébé de la meilleure façon qui soit, les sacrifices qu'ils devaient faire étaient parfois grands, douloureux, humiliants. La jolie Lilith devait être heureuse.


Les premières années de la longue vie de Lilith furent heureuses. Elle alla à l'école dès son plus jeune âge et même si elle travaillait, elle était heureuse, elle semblait heureuse. Le sourire de la petite émerveillait ses parents, ils donnaient leurs vies tous les jours pour le voir. Mais ce sourire, déjà à cet âge était une façade, car la jolie petite fille cachait derrière son sourire de nombreuses choses, les soirs sans manger, le pain rassis, les trous dans ses culottes, ses chaussures, ses habits et beaucoup d'autres faits encore. Mais ses parents ne le savaient pas, personne ne le savait. Elle s'était si vite habituée à cette comédie quotidienne qu'elle l'avait oubliée et lorsqu'il lui arrivait de pleurer le soir sur les quelques tissus qui lui servaient de lit, elle se demandait la raison et l'origine de ses larmes. Mais elle gardait la tête haute et se levait le matin avec le sourire, comme si de rien n'était.

this is a flashback :


Aujourd'hui, c'est mon anniversaire, j'ai sept ans. Je suis fière, contente et ça se ressent sur mon visage lorsque je pars rejoindre mes parents dans la salle où l'on mange. Quelque chose a changé. Cette salle, c'est aussi la salle où l'on fait la cuisine, où l'on se lave, où l'on dort, où l'on travaille, en fait, la salle où l'on mange, c'est ma maison, elle est petite. Mais comme dit Papa : « Elle est petite, mais elle contient beaucoup plus que toutes les grandes maisons. » C'est vrai, chez nous, au moins, il y a de l'amour. L'amour c'est le plus important, c'est ce qu'il y a de plus grand.
Je m'avance vers le rocking-chear de Papa pour l'embrasser, il sourit et me souhaite le bonjour. Je vais ensuite vers Maman, elle prépare quelque chose, ça sent bon. Je lui tire le haut, pour lui signaler ma présence, elle se retourne et son visage s'illumine d'un de ses plus beaux sourires en voyant le mien. Nous nous sourions pendant plusieurs minutes, puis elle me prend dans ses bras, tout doucement, comme un objet précieux. Elle me demande de surveiller le gâteau pour elle, puis part de l'autre côté de la pièce pour chercher un paquet. Je reconnais le tissu utilisé, c'est celui des rideaux de la cuisine. C'était ça, ce qui avait changé, ça rend la maison plus lumineuse, j'aime bien. Elle court, sautille vers moi, elle est si belle. Elle commence à chanter l'air connu de tous : Joyeux Anniversaire. Sa voix fait briller mes yeux, elle m'apporte le paquet et me chuchote « C'est pour toi. » en souriant de plus belle. Je dénoue lentement le paquet puis l'ouvre, prenant soin de ne pas l'abîmer. Découvrant la plus belle des robes, un sentiment de plaisir monte très vite en moi, je suis réellement heureuse et je saute dans les bras de ma mère, la remerciant beaucoup. Je devine que Papa a participé au cadeau, mais c'est un modeste, alors il ne le précise pas.

Je ne mis cette robe que lors d'occasions particulières, lorsque l'on avait des invités, lorsqu'on sortait le dimanche. Ce fut l'un des cadeaux que j'appréciai le plus de toute mon enfance.

La jolie fillette grandit pour devenir belle jeune fille. Son adolescence se fit sans crise, doucement et à bon rythme, à quelques exceptions près, bien évidemment. Les problèmes d'argent grandissaient car l'école demandait plus, la vie en général aussi. Chaque membre de la famille travaillait plus, sans broncher. Lilith était très bonne à l'école, elle était très intelligente, impressionnait souvent ses professeurs avec ses capacités de compréhension et sa maturité, mais ça ne suffisait pas. L'argent était toujours trop important, l'adolescente ne pouvait pas toujours se payer les fournitures nécessaires à des bonnes conditions d'étude. La vie empirait et fatiguait de plus en plus la famille de Salva. La fatigue tue, sa victime fut M de Salva ; Il mourut dans son sommeil, le vendredi 13 août 1926. Ce fut une épreuve difficile, autant pour sa femme que pour sa fille. L'enterrement empêcha Lilith d'aller à l'école pendant une année. Les deux femmes en deuil travaillèrent beaucoup pour payer toutes les formalités nécessaires après la mort du père de Salva. Et lorsque tout ceci fut payé, les deux femmes continuèrent à travailler durement, car les revenus du père payait plus de 50 % des dépenses de la famille. La veuve de Salva supportait mal tout ça, elle tomba inévitablement dans une dépression qui la fit devenir dépendante de sa fille. Lilith dut très vite s'habituer à avoir les dépenses de deux personnes, l'entretien d'une maison, l'entretien de sa mère sur le dos. Malgré tout, la courageuse Lilith gardait le sourire. Alors, bien évidemment, elle pleurait plus souvent le soir, mais comme à chaque fois, elle se levait le lendemain matin avec une ténacité de fer et un sourire indestructible. Heureusement pour elle cet épisode exténuant s'améliora, sa mère avait assez rapidement récupéré et les charges furent moins lourdes pour Lilith.

Ah Lilith, Lilith, belle Lilith. Déjà à l'époque elle séduisait bien des cœurs et comme n'importe quelle adolescente, elle ne tombait jamais amoureuse du bon. Alors elle se concentrait sur ses études, sur les soins de sa mère, sur les multiples travaux qu'elle effectuait pour continuer à étudier. L'amour était superficiel, le seul amour qui comptait c'était l'amour familial et l'amitié. Elle n'avait pas beaucoup d'amis, ils étaient même très rares. Ce qui ne l'empêcha pas de continuer sa vie, avec le peu de bonheur auquel elle avait droit. Les sourires de sa mère, les rires de ses amis étaient comme de l'énergie pour elle et il lui en fallait peu pour tenir. Le peu diminua encore le jour où sa mère disparut. Elle avait récemment rencontré quelqu'un qui semblait beaucoup lui plaire, Lilith ne l'ayant jamais vu, elle n'avait pas pu juger. La plainte ne fut pas acceptée au commissariat. Lilith ne sut jamais réellement ce qu'il était arrivé à sa mère, mais plus tard, elle en aurait une petite idée.

this is a flashback :


Dans la moiteur du mois de février, je virevolte entre les tables de gens affamés. Ce travail est très difficile parce qu'il n'est pas que physique. Les insultes des clients et les mains que certains me mettent parfois aux fesses sont difficiles à supporter, mais le salaire est important alors je continue quand même. Cela fait bientôt quatre mois que maman a disparu. Je suis toujours aussi inquiète. Son lit est toujours près et l'attend avec impatience, j'ai même fait rénover son fauteuil. Mais en vain, elle ne revient pas. Une once d'espoir brille en moi, mais s'affaiblit chaque jour, ça me déplait, mais c'est comme ça.
Je dois cuisiner et parfois servir et aujourd'hui, puisque je suis seule, je dois faire les deux à plein temps. C'est exténuant, mais je gère. Les gens dans ce restaurant sont très peu généreux sur le pourboire. Ce qui ne m'empêche pas d'essayer d'être agréable au possible, pour plaire au patron, au cas où il lui viendrait de me donner une augmentation. Ce qui est sûr en tout cas, c'est que si je gère aujourd'hui, je ramasserai le salaire de deux personnes au lieu d'une et c'est un gros bonus. J'arrive à gérer et les clients partent peu à peu, ça calme. Maintenant, un jeune homme très beau est seul à une table. Il ne semble pas malpoli, même cultivé, gentil ; attirant. Je vais le voir.


« Que prenez-vous monsieur ?
- Juste un biscuit et un thé s'il vous plaît.
- Tout de suite monsieur.
- Est-ce qu'il serait possible d'avoir également votre compagnie ? » me lance-t-il, d'une voix aguicheuse, alors que je viens tout juste de lui tourner le dos.


Je me tourne de nouveau, vers lui, et lui expose un sourire dragueur. Je ne savais pas que j'en étais capable. Cet homme a quelque chose de spécial, je le sens. Je pars chercher sa commande et lui sert, m'installant en face de lui. Nous discutons pendant plusieurs heures, faisons connaissance, jusqu'à la fermeture du restaurant, à 3h30 du matin. Comme par magie, aucun autre client n'a pointé son nez. James me raccompagne jusque chez moi et m'embrasse fougueusement, avant de se volatiliser.

Le fameux, le merveilleux, le fabuleux James revint plusieurs fois et au bout d'un certain moment Lilith découvrit le mauvais côté des choses. Dans la morsure qu'il lui avait causé, elle eut comme la vision de la mort de sa mère, le même James, le même vampire, la même scène. Après s'être transformée, elle fut prise d'une si monstrueuse colère qu'elle tua son patron puis créateur en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Ainsi Lilith découvrit son pouvoir et petit à petit elle apprit à se servir de sa force décuplée. Elle apprit doucement à se servir de ses pouvoirs, de ses atouts. Elle prit du plaisir à tuer, à boire du sang humain. Les meurtres se multipliaient, elle ne pouvait guère se permettre de rester trop longtemps dans une ville et déménageait souvent. Elle se perfectionna du mieux qu'elle pouvait avant de déménager aux États-Unis.
Aux USA, elle suivit diverses études, afin d'avoir suffisamment de diplômes pour changer facilement d'identité, elle gardait toujours le même nom, mais se débrouillait pour vivre de la façon la plus discrète qu'il soit. Fait après fait, elle se retrouva à Londres, n'aimant pas l'élection de Barack Obama. Son « Yes we can » l'exaspérait, son air de héros l'exaspérait, tout chez lui l'exaspérait et c'était un mauvais point pour un président. C'est donc ainsi, péripéties après péripéties que Mlle de Salva se retrouva à Londres, c'est également ainsi que la gentille et brave humaine se transforma en cruelle et sadique vampire.